Accueil
Si son nom va continuer pour l'instant à figurer sur les programmes dans la colonne des drivers, Mathieu Fribault disparaît de la liste des entraîneurs à compter du 1er novembre. Dans le pays des Mauges, à quelques kilomètres de Cholet, là où sa famille était bercée dans le milieu depuis plusieurs générations, c'est une longue page qui se tourne. C'est aussi malheureusement la série d'abandons qui s'allonge.
“J'ai vendu Toscan à dix-huit mois car, à l'époque, j'étais dans une situation difficile et j'avais absolument besoin de rentrées d'argent.” Ces propos, recueillis par notre collaborateur Pierre Champion, émanent de Jean Fribault. Comme on peut ainsi le voir, les difficultés financières ne datent pas d'aujourd'hui. Il était sans doute plus facile d'y faire face il y a un demi-siècle. C'est d'ailleurs en pensant fortement à son grand-père que Mathieu Fribault engage la conversation : “Il s'est beaucoup investi dans la profession. Apprendre la nouvelle lui aurait procuré un choc. C'est certain.” Le mot choc revient souvent dans la discussion, comme le traumatisme subi le 26 février 2012 quand Scoop d'Yvel s'est écroulé sur la piste lors du Prix de Paris. “J'avais tout de même gagné le Critérium des 5 Ans avec lui. J'ai eu du mal à m'en remettre.”
"En rentrant des courses de Chinon”
Justement, depuis quatre à cinq ans, son écurie peine. Habitué à remporter une vingtaine de courses en moyenne par an, le fils de Jacques Fribault voit son capital victoires chuter lourdement avec moins de dix succès. La décision de mettre un terme à son activité d'entraîneur intervient le 10 juillet dernier : “En rentrant des courses de Chinon. Je n'avais pas obtenu les résultats escomptés. Je me suis dit : c'est bon, j'arrête. J'ai entamé les démarches nécessaires. La fin coïncide avec l'exercice comptable. Pour cette raison, je ne réalise pas encore. Passé le 31 octobre, cela va me faire tout drôle. Il y a environ trois ans, j'avais commencé par réduire les charges en licenciant mon personnel. J'étais resté tout seul avec dix chevaux. Mais le métier a changé avec un élargissement des horaires des courses. Comme au galop, il aurait fallu aménager des équipes de travail : matin, après-midi et soir. Je ne pouvais pas m'en sortir tout seul.”
“J'ai eu beaucoup de chance”
650.000 euros de gains, soit la plus belle récolte de l'effectif de Mathieu Fribault. Nous sommes en 2003, l'année du sacre de Flambeau des Pins en Finlande. “J'ai vécu de grands moments à l'étranger avec cet authentique champion, deux fois à Solvalla, sans oublier le Grand Prix des Pays-Bas. Ce sont mes plus beaux souvenirs.” Disputer dix-sept groupes I avec le même cheval n'est pas monnaie courante. “J'ai participé à trois Prix d'Amérique. Juste derrière, j'ai eu My Love Lady, qui a également eu l'occasion de côtoyer l'élite. J'ai eu beaucoup de chance. J'étais jeune, peut-être pas assez mature pour assumer une réussite aussi rapide. Les éléments que l'on vous confie derrière, vous ne les regardez pas de la même manière. J'ai eu jusqu'à une quarantaine de chevaux sous ma responsabilité. J'étais entouré de quatre à cinq gars. Avec mon père, on n'a jamais trop développé l'élevage, si bien que je me suis retrouvé avec des années creuses. Mes collègues vous le diront. Pour être bien, il faut toucher un bon cheval tous les quatre ans, pas forcément un classique, mais un trotteur de niveau Quinté+.” La dernière jument à entrer dans cette catégorie s'appelait Oslo la Nuit.
“Je comprends les propriétaires”
Au fil du temps, la clientèle a quelque peu déserté le domaine des “Landes Gontard”, la propriété de quarante hectares. “Je comprends les propriétaires. Je me mets à leur place. Si j'avais de l'argent pour investir dans un bon cheval, je contacterais le top des entraîneurs. J'ai eu des super clients. Je profite de l'occasion pour remercier toutes les personnes qui m'ont fait confiance, ainsi que toutes les maisons par lesquelles je suis passé. J'ai un bon mais fort caractère et j'ai pu parfois manquer de diplomatie. La concurrence est rude. Tous les entraîneurs sont de vrais pros. La multiplication des réunions Premium incite les gars à se déplacer partout en France. Je me souviens du meeting des Sables, où les Raffin, Dalifard, Billon et Fribault raflaient la mise. Une fois la rumeur répandue, j'ai été davantage sollicité pour driver. Qui sait ? J'aurai, peut-être, la chance de tomber sur un bon cheval. Pour l'instant, je ne me suis pasencore fixé de vrai projet. La vente de mon établissement est bien engagée. J'ai 41 ans, c'est l'âge de la réflexion, l'âge où l'on doit rebondir...”
